Aziza Chaouni : architecte activiste

La jeune architecte œuvre de front sur plusieurs terrains : celui de l’enseignement et de la recherche au Canada, ainsi que la préservation du patrimoine au Maroc et en Afrique de l’Ouest.

Formée à l’ingénierie civile à Columbia University, puis à l’architecture à Harvard sous la direction du Libanais Hashim Sarkis qui l’encourage à travailler sur des terrains proches de ses racines. Dès sa première bourse d’études dédiée à un projet d’écotourisme saharien, elle entreprend de voyager pendant un an dans les zones désertiques de la Mauritanie, du Mali, de la Libye, du Soudan, de l’Egypte…

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 Un choix fort, vécu comme un voyage initiatique, quand d’autres étudiants quittaient la merveilleuse New-York cosmopolite pour Rome ou Paris. Elle a ensuite la chance de bénéficier d’un programme d’échanges, toujours à Harvard, qui lui permet d’être invitée à travailler pendant un an à Paris aux côtés de l’immense Renzo Piano. 

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Engagée à l’Université de Toronto, elle y poursuit ses recherches en écotourisme en Jordanie, en Australie, au Chili, au Pérou, accompagnée des meilleurs experts. Elle fait venir ses étudiants canadiens sur le terrain au Maroc, notamment à Fès où elle a engagé un projet de restauration de la médina. C’est à la faveur de ces expériences que se forge sa détermination à restaurer, conserver, créer des architectures inclusives, résilientes et durables en concertation avec les pouvoirs publics et les populations locales.

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Maroc, Sénégal, Ghana, Burkina Faso… Jamais ce n’est une mince affaire : des années sont nécessaires, pour concevoir des plans d’aménagement, récolter des fonds, mettre en œuvre les projets au sein d’équipes transdisciplinaires impliquant des architectes, des urbanistes, des designers, des artistes en résidence quelquefois, comme sur le projet de réhabilitation du complexe thermal de Sidi Harazem, une superbe architecture brutaliste conçue à partir des années 1950 par l’architecte Jean François Zevaco. 

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Initié en 2017 avec le soutien de la fondation américaine Getty pour la conservation des projets architecturaux modernes, soutenu par la Madaëf (branche tourisme du groupe CDG), puis freiné par le Covid, le projet est toujours en cours car, ici comme ailleurs, il ne s’agit pas simplement d’architecture mais d’activer le site culturellement et de veiller à la préservation du patrimoine immatériel. A Beni Oulid, dans l’Atlas, en concertation avec les associations locales est né le projet d’une bibliothèque construite à partir de tuyaux d’égouts recyclés. Près de Guelmim, celui de la réhabilitation de la station thermale d’Abaynou. A Mhamid el Ghizlane, au sud de la Vallée du Draa, main dans la main avec une ONG locale et grâce à l’obtention d’un Global Holcim Awards, une école de musique a vu le jour, bâtie avec les matériaux du cru. Autonome en énergie et en eau grâce à la construction d’un réservoir dans une salle de classe, il contribue à la lutte contre la désertification comme il donne une seconde vie à un patrimoine immatériel aussi bien berbère qu’arabe et hassani.

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Si ce type d’initiatives demande de l’argent, encore plus de temps et de détermination. «Démarcher, convaincre… Constamment il faut être l’avocat des projets ». Heureusement il y a le soutien des pouvoirs publics, notamment de la présidente de la région Sous Massa Mbarka Bouaida pour réhabiliter deux lieux de villégiature autour des sources de Targa N’touchka et Boutbouqalt. « Nul besoin de les convaincre, ils nous ont soutenu à 100 %. Les jeunes se rendent compte de la portée des projets, les habitants participent à des workshops… C’est porté par la société civile. »
Au Burkina Faso, Aziza œuvre pour la réhabilitation de la Maison du peuple de Ouagadougou, une architecture postindépendance créée par un architecte méconnu, René Faublée, dont elle a rencontré le fils, Michel, 84 ans, lors de sa récente participation à la Biennale d’architecture de Venise dédiée aux architectes africaines.

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Enfin au Sénégal, aux côtés de l’architecte sénégalaise Mourtada Guèye et des deux architectes d’origine Messieurs Lamoureux et Marin, elle travaille au plan d’aménagement et de réhabilitation de l’immense Centre International du Commerce Extérieur de Dakar, construit en 1971 pour répondre au vœu du Président Senghor d’une architecture contemporaine sénégalaise. Le projet, gigantesque, soutenu par les fondations américaines Playing For Change et Getty, prévoit la construction d’une école de musique et de danse et l’aménagement du site en poumon vert pour les Dakarois.

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.