Claire-Anne mélange elle-même les oxydes pour obtenir du bleu, du jaune, de l’orange et du rose.
Loin du monde effréné de la fast fashion où elle a évolué, Claire-Anne Willemin a choisi de ralentir le temps pour se recentrer sur l’essence du geste. Dans son atelier, chaque mouvement est réfléchi, chaque étape de fabrication devient un rituel minutieux. Le résultat : des contenants en porcelaine légère et aérienne, où la délicatesse du matériau contraste avec sa robustesse.

Filet à savonner dans les hammams, utilisé comme pochoir.
Son atelier, niché au premier étage d’un petit immeuble du quartier industriel de Marrakech, reflète l’univers épuré et précis de son travail. Plusieurs salles, immaculées de blanc, se juxtaposent. Chacune est dédiée à une phase spécifique de son processus de création. Dans la plus vaste, baignée d’une lumière naturelle, ses dernières œuvres sont exposées autour d’une grande table où s’accumulent outils et petits objets chinés. C’est ici que tout commence : la pâte de porcelaine est malaxée avec soin, puis étalée avec précision avant d’être placée dans un moule pour être pressée à la main. Ensuite, elle la découpe d’une gestuelle instinctive. « Je tourne mon couteau de manière volontairement aléatoire pour obtenir des formes organiques et imparfaites. Ce n’est pas un défaut », explique-t-elle.

L’artiste suit plusieurs étapes de création avant de laisser la porcelaine sécher dans une salle spécialement dédiée.
Si l’imperfection est sa signature, les influences culturelles sont sa source d’inspiration.
Elle détourne de leur fonction première des objets trouvés lors de ses voyages. Avec une légère et subtile impression sur la matière, des outils de soins corporels utilisés par les femmes dans les hammams servent de pochoirs. Ou encore, elle applique des papiers japonais, enduits d’oxydes colorants, qu’elle recoupe et assemble en motifs inspirés de Kyoto. Parfois même, Claire-Anne inclut des terres colorées dans la blancheur de la porcelaine, révélant un effet marbré et délicat.

Après un temps de séchage, les pièces passent à l’étape cruciale de la cuisson en deux temps, dans une salle équipée de fours de dernière génération. La température monte jusqu’à 1260°C durant 12 heures, indispensable à la porcelaine pour en révéler la pureté et en accentuer la résistance. Tout au long des étapes de fabrication, Claire-Anne explore avec précision les contrastes qu’offre la porcelaine, jouant sur des effets entre lisse et texturé, mat et brillant. Elle émaille uniquement l’intérieur pour accentuer l’éclat. Après cuisson, elle polit l’extérieur du contenant tout en laissant certaines zones rugueuses. Elle préserve ainsi la trace du façonnage.
