Terre et métal à Marrakech

La villa D crée un dialogue inattendu entre des influences sahariennes et des inspirations contemporaines, au service d’une esthétique de la pureté.

Un immense escalier sert de manifeste à l’esthétique de la villa, qui fait des murs un des éléments premiers du décor.

Première réalisation architecturale du studio KO au Maroc il y a maintenant une vingtaine d’années, la Villa D est un manifeste de ce qui deviendra leur signature. Les partis-pris sont stupéfiants d’audaces, orchestrées avec beaucoup de rigueur et de cohérence.

L’imposante villa construite en terre délie ses volumes monumentaux au creux d’une infinité de murs reproduisant l’esthétique et la fonctionnalité du douar saharien. Dès l’entrée, un postulat s’énonce, celui de répliquer la forme du cube, l’un des plus remarquables solides de l’espace, si stable qu’il est associé à la terre et se trouve souvent à la base des trônes. La terre précisément, est omniprésente dans les intérieurs, associée à du métal et du béton ciré qui en accentuent les profonds effets de matières.

Au premier étage, une master suite déploie de part et d’autre une immense cheminée en métal, un volume renversant de 100 m2.

La décoration est minimale, privilégiant le geste artisanal ancestral, qui façonne les matériaux du cru, à la recherche de fonctionnalité autant que de simple beauté. Peu de couleurs viennent perturber cet équilibre. Les harmoniques du lieu se concentrent dans les gammes des ocres et des gris taupes.

Les espaces communs se déploient dans une longue perspective de 5 mètres de hauteur sur 25 mètres de longueur, scandée de quatre ouvertures. D’abord le petit salon, la bibliothèque, ensuite le grand salon, puis enfin la salle-à-manger, habillés de cuir, de laine, de peau, de bois, de vannerie et de métal. On y découvre cette autre audace, et non des moindres : refuser les grandes ouvertures au profit d’étroites sources de lumières, placées de manière incongrue, soit plus haut, soit plus bas qu’il n’est d’usage, décentrées, ne laissant pénétrer que peu de lumière sans que jamais la luminosité des intérieurs en souffre. Et puis, derrière ces ouvertures où l’on s’attendrait à découvrir quelque perspective sur les 6 hectares de jardins, on est encore surpris de n’avoir de vue que sur un mur, ici pensé, en soi, comme une esthétique.


Au lieu de chambres conventionnelles, en plus de deux pavillons suites indépendants, le rez-de-chaussée réplique l’esprit du dortoir : quatre petites chambres, desservies par un long couloir égrainé de lavabos, au bout duquel loge une grande salle de bains commune. À l’étage, le parti-pris s’inverse : une seule chambre mais aux proportions gigantesques de 100 m2 de part et d’autre d’une immense cheminée en métal venant mettre en relief cette philosophie d’odyssée de l’espace, qui préside à l’ordonnancement des lieux.

De l’ensemble de ce manifeste architectural décoiffant les jeux d’échelle, se dégage une austérité monacale bienveillante, chaude, apaisante, dont on retrouve le minimalisme dans les extérieurs : des surfaces raisonnées de pelouses, ponctuant de vert cru les ocres du paysage, une piscine dissimulée derrière un mur en terre, des enclos pour les potagers et les animaux à proximité d’une charmante farmhouse de trois chambres où goûter aux simplicités de la vie champêtre et aux saveurs des intelligences conjuguées de l’homme et de la nature, ici retrouvée.

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.