Architecte diplômé depuis 2000, Mehdi Berrada a fondé Elements Lab en 2015 après plusieurs années en solo puis en association. Son parcours l’a mené à travers l’Afrique de l’Ouest : Angola, Côte d’Ivoire, Sénégal, Burkina Faso, Guinée équatoriale, Mauritanie. Il y a réalisé quatre ports de pêche artisanaux, des projets hôteliers, du résidentiel. Au Maroc, son portfolio compte une plateforme logistique, une presse artisanale d’huile d’olive dont il est particulièrement fier, des villas privées. Aujourd’hui enseignant à l’UM6P de Benguerir, il aime comparer l’architecture à la cuisine : « C’est le même processus, attraper des électrons qui volent autour de nous et les concentrer dans quelque chose de concret. Sauf que la cuisine, c’est immédiat. »
Cette passion pour l’hospitalité et la matière l’a conduit à ouvrir le Brutt Café à Casablanca, dans un local familial. Le projet initial était une salle de yoga, abandonné avec le confinement. L’espace a finalement basculé vers ce que l’architecte aime profondément : un lieu où exprimer « le fond de sa pensée en architecture ».
L’accident assumé
Les murs du café sont troués, irréguliers. Ce n’était pas un choix esthétique. Quand l’équipe a retiré les anciennes plaques de plâtre, l’enduit est parti avec, laissant des cavités que Mehdi Berrada a décidé de garder. « C’est très proche du Wabi-Sabi japonais, cette idée d’embrasser les défauts plutôt que de les corriger. »
Cette philosophie s’est construite sur le terrain. Plutôt que d’imposer la ligne droite, l’architecte a appris à composer avec la matière et ses accidents. Le sol est un parquet de bois de coffrage, le genre que ses clients refusent habituellement. « C’est exactement ce que je veux. Qu’il patine, qu’il craque, qu’il fasse du bruit. »
Le contraste comme équilibre
Pour éviter le cliché industriel, Mehdi Berrada a dessiné un mobilier épuré : tables, chaises, banquette et tabourets suivent une ligne minimaliste qui valorise la matière brute sans en faire une posture. « Je ne voulais pas du patiné ancien pour son côté patiné. Je voulais du sincère. »
La table centrale est née d’une contrainte : deux poteaux au milieu de l’espace, transformés en opportunité. Un grand comptoir communautaire où l’on s’assoit à côté d’inconnus. « J’aspire à ce que ce lieu devienne un lieu commun. Les gens qui aiment cette atmosphère se ressemblent quelque part. »
Côté cuisine, le Brutt Café assume son identité de comfort food : burgers, toasts, grilled cheese, croque-monsieur. « On n’a pas la prétention d’être un restaurant. On ne veut pas se prendre au sérieux, même si tout est millimétré en cuisine. »
Les travaux ont duré un an et demi, avec des pauses pour respirer. Sans pression de loyer, l’architecte s’est offert le luxe du temps et du perfectionnisme. Un lieu où l’on vient pour un café et où l’on reste pour l’atmosphère.
