Photos Cécile Tréal et Maison Sarayan
Dans certaines maisons, les regards sont happés vers le haut, vers ce tressage minutieux. Issu d’un art de bâtir où utilité et esthétique se confondent, le tataoui servait autrefois de support aux plafonds des maisons en terre, tout en dessinant des motifs d’une délicatesse brute. Spirales, chevrons, losanges… chaque composition s’impose comme une œuvre façonnée à la main, chargée de sens. Inspirées de l’univers amazigh, les figures évoquaient la protection, la fécondité ou une force invisible. Leur signification, aujourd’hui partiellement oubliée, demeure imprimée dans la matière. En les renouvelant, les artisans prolongent un langage discret, fait de signes, de tradition et d’appartenance.

Chez Maison Sarayan, le tataoui se fait écriture murale. Un vocabulaire de textures et de couleurs pour réinterpréter l’artisanat avec audace.
D’un territoire à l’autre, le geste change, épouse les fibres du lieu. À Tata ou Foum Zguid, les nervures de dattier s’enroulent en spirales denses, rappelant des soleils au cœur des demeures. Vers Tazenakht, le laurier et les croisillons serrés forment des trames épaisses et régulières. Ailleurs, la répétition des motifs rythme l’espace comme une litanie patiente et silencieuse. Parfois, au contraire, le tracé se libère, s’improvise au fil de la main. Au nord, le tataoui se fait plus rare, mais orne encore certains plafonds anciens, tissés avec finesse et réservés aux lieux de prestige. Chaque variation porte une mémoire du sol, une réponse aux ressources, au climat, à l’œil du maâllem.
Ce savoir-faire, lui, se transmet autant par le regard que par la main. Le geste est lent, précis, sans croquis ni plans, dans la continuité d’un patrimoine vivant. L’ouvrage débute par la pose d’une armature de poutres en laurier rose, eucalyptus ou palmier, sur laquelle sont fixées des traverses plus fines.

Jeu d’ombres et de reliefs où chaque motif semble sculpté directement dans le bois.
Des tiges de roseau ou de bambou viennent ensuite s’y entrelacer, formant un clayonnage dense et graphique. Ce tissage serré constitue la peau vivante du plafond. Par-dessus, une couche de terre battue est soigneusement tassée. Elle stabilise l’ensemble, protège du chaud comme du froid, et peut même servir de sol à l’étage supérieur. Plus qu’un simple décor : c’est une technique constructive, pensée pour durer.
Longtemps cantonné au plafond, le tataoui s’émancipe aujourd’hui de son rôle premier. Conçue comme un cabinet de curiosités à Marrakech, la boutique Maison Sarayan décline cette technique ancestrale à travers des cloisons finement sculptées et du mobilier façonné sur mesure. Des projets contemporains où tradition rime avec sophistication. Cette renaissance trouve aussi son écho institutionnel. Le programme « Trésors des arts traditionnels marocains » vise à sauvegarder et transmettre cet art du tressage architectural.

Du plafond à l’assise, le tataoui explore de nouveaux territoires. Témoin de la créativité des artisans qui ont su préserver cette tradition face aux défis contemporains.
Cette initiative, portée par le ministère du Tourisme, de l’Artisanat et de l’Économie sociale et solidaire avec l’UNESCO, embrasse toute sa diversité. Ce n’est pas une tendance. C’est une mémoire qui résiste. Le tataoui raconte l’intelligence d’un habitat enraciné, la beauté du geste patient, la noblesse des matériaux simples. Il invite à ralentir, à lever les yeux, à habiter autrement.
