Tout commence en 2016, à Riyadh. Une exposition consacrée aux sculptures de Salvador Dalí attire plus de 20 000 visiteurs. Parmi eux, Zhor Raïs. « Elle connaissait les tableaux, mais elle ne connaissait pas les sculptures », se souvient Bertrand Epaud, commissaire de l’exposition et représentant de Dalí Universe. Face aux bronzes du maître catalan, la créatrice découvre une dimension insoupçonnée de son univers. Une révélation qui va germer pendant près d’une décennie.
« Bertrand, est-ce qu’on pourrait un jour faire venir une partie de cette collection à Casablanca ? » La requête, formulée dès 2016, se concrétise aujourd’hui avec « Dalí Diali – L’étoffe du rêve », une exposition présentée au sein de la Maison de Couture Zhor Raïs jusqu’au 10 janvier prochain.
Douze sculptures, douze interprétations
Le projet réunit douze bronzes issus de la collection Dalí Universe, parmi lesquels Dance of Time I, Space Elephant, Alice in Wonderland ou Woman Aflame, et les douze créations couture qu’ils ont inspirées. Trois années de recherche et d’expérimentation ont été nécessaires pour aboutir à cette collection.
« Je lui ai fourni beaucoup de documentation, elle a beaucoup travaillé là-dessus », explique Bertrand Epaud. « Mais ça, c’est son génie à elle. On ne peut pas se permettre d’intervenir dans la création d’une styliste comme elle. »
Zhor Raïs a puisé dans les grands thèmes daliniens, le temps qui se déforme, la métamorphose, le rêve, l’envol, tout en revisitant les codes du caftan marocain : dfira, akad, sfifa. Les matières participent à cette narration : mousselines pour suggérer la fluidité temporelle, transparences évoquant l’entre-deux onirique, broderies sculptées créant relief et profondeur. Chaque pièce oscille entre vêtement et sculpture textile.
« Ce que j’aime beaucoup dans cette collection, c’est que ce sont des tenues qu’on a envie de porter », observe le commissaire. « Quand on pense à Dalí, on imagine quelque chose de surréaliste, un peu fou. On aurait pu s’attendre à des créations importables. Ce n’est pas le cas. »
Une signature historique
L’exposition constitue un précédent dans l’histoire de Dalí Universe. Pour la première fois, l’organisation, qui détient les droits sur la signature de l’artiste, autorise son apposition sur des créations textiles. Chaque pièce existe en édition de cinq exemplaires, plus deux épreuves d’artiste, accompagnée d’un certificat d’authenticité cosigné par la Maison Zhor Raïs et Dalí Universe.
« C’est la première fois dans le monde arabe qu’une styliste réalise une collection entière inspirée d’un grand maître », souligne Bertrand Epaud. « Et c’est la première fois que Dalí Universe accepte que la signature de Dalí soit apposée sur des tenues. Elles deviennent des œuvres d’art. »
Cette collaboration s’inscrit dans une filiation que le commissaire tient à rappeler. Dalí entretenait des liens étroits avec la mode : une amitié avec Christian Dior, qui vendait ses tableaux avant de devenir couturier ; des collaborations avec Coco Chanel sur des costumes de ballet ; et surtout un partenariat créatif avec Elsa Schiaparelli, dont sont nés le célèbre chapeau-chaussure et la robe homard. « Je pense que Dalí aurait énormément apprécié ces créations », estime Bertrand Epaud.
Le caftan marocain à la conquête du monde
Le lendemain du vernissage, le mercredi 10 décembre, le caftan marocain était inscrit sur la Liste représentative du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO. Une coïncidence qui confère au projet de Zhor Raïs une résonance particulière : celle d’une ambassade culturelle.
Au-delà de Casablanca, l’exposition a vocation à voyager. Dalí Universe, qui organise régulièrement des événements d’envergure internationale, dont une exposition actuellement présentée à Shanghai, entend faire circuler cette collection à travers le monde.
« L’idée, c’est de mettre en avant le talent de cette grande créatrice, mais aussi tout le savoir-faire marocain », précise Bertrand Epaud. « Souvent, on a une image très réduite de la mode, limitée aux stylistes italiens, français, américains, japonais. On n’imagine pas à quel point le Maroc regorge de talents. Dans les scénographies qui auront lieu dans différents musées, on essaiera de montrer ces trésors nationaux vivants que l’on ne soupçonne pas à l’international. »
Pour Zhor Raïs, ce dialogue avec Dalí représente l’aboutissement d’une admiration née aux Beaux-Arts de Casablanca. En confrontant l’héritage du caftan, désormais reconnu par l’UNESCO, à l’imaginaire surréaliste, elle ouvre un territoire inédit : celui d’une couture marocaine inscrite dans une conversation artistique mondiale.
Dalí Diali – L’étoffe du rêve
Jusqu’au 10 janvier 2026 de 15h à 18h, sur rendez-vous uniquement. Tél. : +212 6 61 64 47 44
Maison Zhor Raïs 11, rue des Papillons, Lot. Rahma II, Oasis Casablanca.