Photos Abderrahim Annag et DR
Seule sculpture réalisée en binôme avec son père, le peintre Karim Bennani.
Pénétrer dans l’atelier de Jamil Bennani, est un voyage pour les sens. Les effluves d’essences de bois, terreuses et chaudes, enveloppent la pièce. Chaque coup de maillet, froissement de papier de verre ou pulvérisation de vernis créent une mélodie singulière. Quant au sol, témoin silencieux du labeur créatif, revêt un tapis de copeaux de bois épars mélangés aux poussières de ponçage. Enfin, les meubles inachevés et les sculptures en cours confèrent à l’atelier une atmosphère de métamorphose constante.
Après un séjour chez les nomades, il crée une ligne de meubles d’inspiration sahraouie.
L’amour de Jamil Bennani pour l’art a toujours existé. Né en 1963, son plus tendre souvenir remonte à ses sept ans lorsqu’un jeu s’installe avec son père, artiste peintre reconnu, qui travaille sur une toile. Pendant dix jours, il ajoute en cachette sa petite touche. Sa crainte d’être réprimandé disparaît quand le jour de son anniversaire, il reçoit en cadeau ce tableau réalisé à quatre mains.
L’atelier vit au rythme du maillet, où des créations symbolisant le baiser et le mouvement prennent vie.
Inconsciemment, cette peinture deviendra la genèse de toute sa sensibilité artistique, car elle illustrait déjà un regard imprégné d’émotions. Mais ce qui le passionne enfant, ce sont surtout les formes et volumes avec le bricolage, il troque même des meubles contre des toiles d’amis peintres de ses parents.
Avec un esprit plus créatif que scolaire, Jamil Bennani débarque en Belgique sans le bac pour suivre une formation d’ébénisterie. Puis en quelques années, il devient maître ébéniste, designer et architecte d’intérieur. Après un passage dans l’entreprise familiale, il lance son atelier à Rabat.
Jamil Bennani fusionne les matières utilisant le plexiglas pour créer de la transparence.
Il conçoit des meubles qui incarnent le parfait mélange entre l’artisanat marocain et l’art contemporain et façonne aussi les espaces intérieurs de lieux publics ou privés. Avec ses artisans, il crée des pièces uniques, esthétiques et fonctionnelles à la frontière entre design et art. Après de nombreux projets à succès, son atelier embrasse en 2016 une nouvelle direction, celle de la passion. L’artisan laisse place à l’artiste et transforme la rudesse du bois en œuvres imprégnées d’âmes, de sentiments, de visages et de regards.
Pour obtenir ce résultat, Jamil Bennani commence toujours par des recherches. À l’image d’un cuisinier qui teste, goûte, assaisonne ses recettes, il dessine des croquis sur du papier craft, crée des miniatures à l’argile, mélange les pigments avant de couper et tordre des planches de plusieurs mètres. L’essence qu’il affectionne particulièrement est le samba ; malléable, léger et qui ne se fissure pas. La moindre veine, nuance et courbure insufflent un mouvement à son œuvre la rendant presque vivante. À travers ses créations aux formes organiques, suggérant un sourire moqueur, un cri intense ou une union sensuelle, Jamil Bennani invite à une captivante danse entre l’abstrait et le figuratif. Un conteur d’histoires silencieuses dont l’écho résonne dans le paysage artistique marocain.
