Margaux Derhy : quand la broderie révèle l’invisible

Pour son retour à la foire 1-54 Marrakech, Margaux Derhy dévoile une série d'œuvres en fil de sabra où la broderie traditionnelle marocaine devient le medium d'une réflexion sur la visibilité des femmes, d'hier et d'aujourd'hui.

Courtesy de l’artiste et de la galerie L’Atelier 21, Casablanca, Maroc

Crédit photo: Ayoub El Bardii

Un an après notre première rencontre lors de la foire 1-54 Marrakech, Margaux Derhy revient à la foire d’art contemporain africain pour son édition 2025, cette fois-ci au sein du prestigieux stand de la galerie L’Atelier 21 à La Mamounia. Une évolution significative qui témoigne du chemin parcouru par l’artiste franco-marocaine, dont le travail n’a cessé de s’approfondir. Elle y présentera sa nouvelle série « Les Invisibles« , un ensemble d’œuvres qui tisse des liens entre passé et présent, entre les femmes de sa famille photographiées dans les années 50 et les brodeuses contemporaines de son atelier.

 

Margaux Derhy et son atelier, Les Invisibles, Broderie Sabra sur coton, 175×125 cm 2024

Courtesy de l’artiste et de la galerie L’Atelier 21, Casablanca, Maroc

Crédit photo: Ayoub El Bardii

L’inspiration de cette série est née d’une découverte fortuite : des photographies familiales conservées dans une boîte rouge Hédiard, révélant les femmes de sa famille marchant seules avec leurs enfants dans les rues de Casablanca et d’Agadir. Ces images, prises sous le protectorat français, documentent une transformation sociale profonde à travers les codes vestimentaires occidentaux – cols Claudine, robes ajustées, chaussures Mary Jane – adoptés comme des « armures modernes » d’émancipation.

Dans son atelier à Massa, Margaux Derhy collabore avec dix femmes, toutes mères célibataires ou divorcées, âgées de 20 à 60 ans. L’artiste fait le choix délibéré de rendre visible le travail de ces femmes en les nommant comme collaboratrices à part entière. « Ces femmes, que la société préfère ne pas voir, transforment leur précarité en force créatrice« , explique l’artiste.

Courtesy de l’artiste et de la galerie L’Atelier 21, Casablanca, Maroc

Crédit photo: Ayoub El Bardii

Le projet dépasse la simple création artistique : en deux ans, l’atelier est devenu un véritable espace d’émancipation. Certaines brodeuses ont obtenu leur permis de conduire, d’autres financent leurs études de droit. L’artiste propose également des cours d’anglais et de français, contribuant à leur développement personnel et professionnel.

La technique employée est tout aussi significative que le propos : les œuvres sont réalisées en fil de sabra, une fibre traditionnelle marocaine extraite de l’agave. Ce choix de matériau, techniquement exigeant, ancre le travail dans une matérialité profondément locale tout en créant un dialogue entre tradition et vision contemporaine.

Margaux Derhy et son atelier, Les Invisibles, Broderie Sabra sur coton, 108×80 cm 2024

Courtesy de l’artiste et de la galerie L’Atelier 21, Casablanca, Maroc

Crédit photo: Ayoub El Bardii

Pour cette édition de 1-54, Margaux Derhy renforcera sa présence à Marrakech. Outre sa participation au stand de L’Atelier 21 aux côtés d’artistes comme M’barek Bouhchichi et Safaa Erruas, elle exposera également à l’exposition « Lines of Desire » à Izza, un projet curatorial d’Achraf Remok explorant les liens entre art textile et numérique.

Elle participera aussi à l’exposition d’ouverture de Jnane Rumi, un nouveau lieu dans le quartier de la Palmeraie.

Courtesy de l’artiste et de la galerie L’Atelier 21, Casablanca, Maroc

Crédit photo: Ayoub El Bardii

2025 s’annonce comme une année charnière pour l’artiste qui, forte d’une année 2024 particulièrement dynamique (expositions à la Dubai Fair, Menart Fair Paris et 1-54 Londres), a notamment initié une collaboration avec la galerie Tabari Artspace à Dubaï. Parallèlement à sa pratique artistique, elle poursuit le développement de la résidence Massa Stories, un projet qui fête cette année ses cinq ans. Soutenue par l’Institut Français d’Agadir, cette initiative transforme chaque année le village de Massa en un laboratoire de création collective : les dix artistes invités y animent des ateliers de céramique avec les écoliers, collaborent avec les brodeuses de l’atelier, et réalisent des fresques murales monumentales mobilisant jusqu’à soixante villageois.

Le travail de Margaux Derhy incarne une forme d’engagement où l’art devient vecteur de transformation sociale. En mêlant dans ses broderies l’histoire coloniale, la transmission intergénérationnelle et l’émancipation féminine, elle crée une œuvre qui dépasse la simple expression artistique pour devenir un puissant outil de visibilité et de dignité. Ses créations, ancrées dans la matérialité du fil de sabra et dans l’histoire des femmes marocaines d’hier et d’aujourd’hui, témoignent d’une pratique où l’art se met au service d’une vision profondément humaniste.

 
 
 
 
 
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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.