Dans le patio, à l’abri du vent, euphorbes et succulentes emplissent l’espace d’une végétation très graphique. Une pluie de suspensions en opaline se balancent et irradient le patio d’une lumière douce le soir venu. Au sol, les pavés de verre forment un puits de lumière qui illumine l’étage inférieur.
Avant de devenir une maison-riad fraîche et lumineuse, Casa.b a connu plusieurs vies. La première fut celle d’un grand lieu de stockage où les marchandises étaient entreposées au rez-de-chaussée et les familles logées à l’étage. Puis elle fut la demeure de la famille maternelle de Gad Elmaleh : c’est dans cette maison que la mère de l’humoriste est née et a vécu jusqu’à l’âge de neuf ans. Plus tard, après le départ de nombreux membres de la communauté juive, la demeure est devenue «Le four», un lieu bien connu des Souiris pour ses pâtisseries.
Lorsque les actuels propriétaires ont acquis la maison, elle était en mauvais état mais son potentiel était là, intact. Il aura fallu pas moins de huit années de travaux pour que la structure quelque peu délaissée reprenne vie. Il fallait absolument tirer parti de l’âme ancienne des lieux. Alors la reconstruction s’est opérée à partir de l’existant, en veillant à préserver – ou à recomposer – ce qui avait contribué à la beauté de sa structure initiale, comme les arches, les colonnes et les hauts plafonds. Et le charme des pierres. La décoration est l’œuvre familiale.
À l’étage, dans le salon-bibliothèque, le bleu vif du canapé et du mur garni d’étagères converse avec le vert profond des sculpturaux euphorbes. Le plafond en cèdre, d’origine, fait écho aux anciennes tables coraniques chinées à Marrakech.
Le fauteuil suspendu emplit l’espace de sa rondeur, offrant ainsi une halte propice au repos ou à la méditation.
Plutôt que de faire appel à un architecte d’intérieur, les propriétaires ont préféré faire confiance à leur intuition collégiale des volumes, des couleurs et des ambiances. Et leur intuition fut juste.
Sous les arcades anciennes restaurées à l’identique et les suspensions Paola Navone, le parquet en bois de cèdre traité accueille la table de bourrelier qui a entamé une seconde vie. Comme s’il avait toujours été là, le tapis afghan chiné aux Puces de Saint-Ouen, en France, oppose ses larges bandes colorées à l’arrondi généreux des arcades.
Les plafonds peints de tons pastel et culminant à 4 mètres de hauteur dominent la blancheur des murs, saisissant le regard et conférant à l’habitation une beauté sobre, la sensation d’un espace aussi tranquille qu’accueillant. Enveloppant. L’ameublement, quant à lui, joue un joyeux éclectisme. C’est là que s’exprime la fantaisie du lieu. Grands voyageurs, les propriétaires ont rapporté de leurs périples quantité de souvenirs, de ceux qui marquent les jalons d’une vie – ou de plusieurs – et qui font véritablement battre le cœur d’un lieu d’habitation quel qu’il soit.
Alors que les salles de bains, très minérales avec leurs carreaux de ciment unis ou leur plan de toilette en béton ciré, font vœu de minimalisme, les chambres accueillent des velours moelleux et des voilages vaporeux. Fenêtres longilignes et large battant pivotant, faisant entrer le patio dans la chambre, rompent avec les classiques d’une maison-riad.
Dans la vaste salle à manger, trône une magnifique table de bourrelier rapportée du nord de la France. Ses 4 mètres de long, sur lesquels les pièces de cuir ont laissé la place à de poétiques compositions florales, racontent silencieusement son histoire. Pièce maîtresse du lieu de vie commun, elle invite au partage, à la chaleur des échanges.
Pour égayer les murs blancs, des textes coraniques extraits d’un ancien cahier d’étudiant forment une tête de lit originale. Quelques touches de couleur sont saupoudrées çà et là, et les coussins tricotés à la main par la propriétaire tutoient d’authentiques coques Eames et une table Knoll.
Au milieu des meubles de designers, pièces chinées au Maroc et objets artisanaux ont naturellement trouvé leur place, comme pour rappeler que la vie des propriétaires s’est construite aux quatre coins du globe et que la communion des influences est possible.
Dans les six suites, les sols en parquet étouffent doucement les bruits et contrastent avec l’aspect épuré et minéral des salles de bains habillées de béton brut, de ciment teinté ou de carreaux de ciment, de bois et de pierre aussi. Quelques touches de couleurs vives posées çà et là happent le regard tout en renforçant l’harmonie ambiante.
Une synagogue, une mosquée et une ancienne église portugaise veillent toutes les trois sur les terrasses colorées qui surplombent la médina.
Dans cette maison d’allure très contemporaine, la lumière est omniprésente et chaleureuse. Vive. Bavarde même, quand elle converse avec les voilages vaporeux. Elle inonde aussi le grand patio fleuri et les terrasses conçues comme des salons intimistes où l’on s’adonne au repos ou à la contemplation. C’est là la prouesse de Casa.b Mogador : l’espace respire, la luminosité s’exprime pleinement dans un quartier aux ruelles entrelacées et étroites. On en oublierait presque que l’on est en pleine médina.
Auteure: Carole Belahrach
Photos : Jérôme Bilic