Photos Iman Zaoin
Façade ouest de la maison face au coucher de soleil, transats de Charles Zublena Eurolax R1, datant de 1965.
C’est une maison posée dans un paysage rural à trente minutes d’Essaouira. Dans ce milieu vallonné, proche d’une oasis, l’architecte, architecte d’intérieur et artiste conceptuel, Othmane Bengebara a imaginé un projet qui transcende l’habitat traditionnel. « Cette maison a pour vocation de devenir un lieu de rassemblement pour des intellectuels, des artistes, des designers« , explique-t-il. L’ambition du propriétaire ? Créer à terme un véritable écosystème dédié aux créatifs.
Ancien lavabo en céramique de la région d’Essaouira. Lampes en céramique de Sammy Bernoussi avec Hall Haus et Abdellah Outghit commandées par DDAR, 2024. Table basse Cigogne de Chafik, c. 1990. Table de Ronald Cecil Sportes pour l’hôtel Mövenpick Malabata, Tanger, 1997. Trois vases Hall Haus, 2016-2023. Table d’appoint de Mathieu Matégot, années 1950.
Cette demeure s’ancre dans le territoire des Regragas, « gardiens de savoir-faire ancestraux dans le tissage et la poterie. » L’approche bioclimatique structure le projet : positionnée face au vent constant, la maison exploite les forces naturelles grâce aux ingénieurs bioclimatiques consultés.
Chaise Blegbi II de Vincent Niamien, autour de 1995.
Les murs plus épais protègent du soleil, la façade arrière reste opaque. Résultat : aucune climatisation, mais une ventilation naturelle.
Toute la matière architecturale dérive de la terre et l’argile locales. Cette monochromie permet à l’architecture de « devenir paysage« . Les volumes reflètent cette philosophie : « Rien n’a la même hauteur, rien n’a le même volume. »
Quatre œuvres de Mohamed Babahoum, c. 2010. Table Leïla d’Abdi, 1990. Chaise DKR de Hall Haus, 2022.
L’architecture suit scrupuleusement les cycles naturels. « La maison est construite suivant les cycles, les saisons, les solstices, le passage du soleil, les courses de la lune« , explique Bengebara. Dans la cuisine, la machine à café est positionnée face à une large baie vitrée pour offrir chaque matin le spectacle du lever de soleil derrière la montagne.
L’artisanat local imprègne tout détail de la construction. « Chaque centimètre carré a été touché par un artisan« , souligne l’architecte. Les murs arborent un revêtement « griffi« , cette peinture traditionnelle marocaine appliquée à la main avec des spatules en bois spécifiques. Le résultat révèle un paradoxe saisissant : « C’est à la fois très minimaliste mais également complexe dans le détail.«
Dans cette maison « de réception » –, la curation artistique joue un rôle central.
XChair de Ben Elliot en collaboration avec Nagami, 2023. Lampadaire Diabolo de Yamo, années 1990. Jarre Haha, première moitié du XXe siècle. Photographie de Shirin Neshat de la série Soliloquy, 1999. Lampe de table Le Fourmilier de Yamo, 1987. Tabourets de bar Nagasaki de Mathieu Matégot, 1954.
La collection du propriétaire, constituée avant même le début des travaux, illustre parfaitement cette philosophie d’échange : elle célèbre les passerelles créatives tissées entre le Maroc et l’international des années 60 à aujourd’hui. Le Maroc a toujours été une terre de création où l’art, le design et l’artisanat sont entrés en dialogue avec le monde. Des pièces de Mathieu Matégot, dont le mobilier fut conçu et fabriqué au Maroc, côtoient des créations d’Elie Azagury pour l’hôtel du Petit Mérou, retrouvées après de longues quêtes. « Toutes les pièces ont été chinées, cherchées et curatées« , précise Othmane. Même les objets du quotidien – boutons de porte, vaisselle, couverts – ont été commissionnés, soutenant la création contemporaine marocaine.
Les baies vitrées de six mètres sur trois s’ouvrent en accordéon afin de fusionner l’intérieur et l’extérieur. Dans le salon décaissé, le volume de six mètres de hauteur accueille une cheminée monumentale suspendue dont la chaleur irradie des deux côtés. Cette ouverture se prolonge sur les 12 hectares de la propriété, volontairement sans clôtures. « C’est une maison de passage, où se mélangent artistes internationaux, artisans et habitants locaux. » Au-delà de cette première phase de réception, le projet évoluera vers un véritable écosystème créatif, confirmant sa vocation de refuge au cœur de l’arrière-pays d’Essaouira.
Une pergola ombragée pour profiter des espaces extérieurs de la maison principale.