Evasion à la Villa Mabrouka de Tanger

Au cœur d'un jardin merveilleux, la blancheur pure et les lignes délicates de la Villa Mabrouka s'épanouissent face aux bleus spectaculaires de la baie et du ciel de Tanger.

Texte : Carole Belahrach
Photos : Andrew Montgomery

Il est des lieux dont la magie traverse le temps et les modes. La Villa Mabrouka en est l’un des plus beaux exemples. Y subsistent les marques intemporelles de ceux qui, pendant de longues années, en furent les hôtes prestigieux, amoureux notoires du Maroc et de ses richesses : Yves Saint Laurent et Pierre Bergé. Séduit par la beauté du site, le couturier français voulait y refléter l’élégance de la maison de son enfance à Oran, en Algérie. Désormais propriété du célèbre designer britannique Jasper Conran, son architecture moderniste des années 1940 allie l’authenticité d’un style méditerranéen au raffinement des arts décoratifs marocains.

 

Andrew Montgomery


Lorsque Jasper Conran a découvert la villa blanche nichée dans son paradis végétal surplombant le détroit de Gibraltar, le coup de cœur fut immédiat. Si elle nécessitait une restauration, le designer a écarté toute volonté de réinvention. Il tenait avant tout à préserver l’esprit, le style et surtout l’âme de la demeure insufflés trente ans plus tôt par Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, accompagnés par le décorateur et architecte d’intérieur Jacques Grange. 

Le fuchsia des bougainvilliers assemblés en un bouquet monumental illumine la blancheur ambiante.

Photo: Andrew Montgomery

Ainsi structure initiale, hauteur de plafond et sols ont été conservés. En revanche, Jasper Conran a trouvé là un espace d’expression privilégié de son art, apportant sa propre signature. Il a lui-même conçu sur mesure la plus grande partie des meubles, des luminaires et des tapisseries. 

Photo: Andrew Montgomery

Témoins d’une vie ancienne où la douceur de Tanger attirait les artistes et les esthètes du monde entier, quelques pièces d’origine ont été conservées en hommage à leurs précédents propriétaires.
Les lignes droites de la villa blanche ceinte d’une galerie ouverte contrastent avec les rondeurs de l’écrin végétal aux innombrables essences et tons de vert, du plus clair au plus profond. Distillant ombre et fraîcheur, les jardins, œuvres du célèbre paysagiste Madison Cox, président de la Fondation Pierre Bergé-Yves Saint Laurent, offrent un cadre enveloppant et infiniment romantique tout juste animé par le chant des oiseaux.

Photo: Andrew Montgomery


La Villa Mabrouka est une demeure au charme singulier qui illustre le mariage chic et éclectique des inspirations de Jasper Conran. Et l’expression de son génie dans la mise en scène des perspectives et l’association des couleurs et des lignes. On est saisi par la prédominance d’un blanc immaculé qui, par sa sobriété et sa pureté, rehausse le majestueux camaïeu de vert des tapisseries, des plafonds, des portes ainsi que de la végétation qui illumine chaque espace intérieur et ravit le regard en tout point de la villa. La juste mesure des arcs et des courbes imprime aux lieux une fantaisie et une générosité inattendues au regard de la linéarité de l’architecture extérieure.

Les luminaires des années 1930, les tapis mauritaniens, le bejmat et le zellije traditionnels s’harmonisent dans une rare élégance. Broderies anciennes, velours soyeux, draps en lin, couvre-lits en cachemire… le raffinement se traduit jusque dans la préciosité des matières et des étoffes.

Photo: Andrew Montgomery


Les douze suites spacieuses et lumineuses, elles aussi parées d’un blanc apaisant, invitent des tons chauds comme le vert ou l’ocre qui rehaussent la sensation de confort extrême voulue par Jasper Conran. Les salles de bains, pensées comme des espaces purs et baignés de lumière, consacrent la fraîcheur et la préciosité du marbre blanc veiné de gris.

La Villa Mabrouka incarne la simplicité et le confort dans un raffinement ultime. Tout en restant fidèle à l’esprit d’Yves Saint Laurent et Pierre Bergé, Jasper Conran s’est inspiré du style de la décoratrice d’intérieur britannique Syrie Maugham et des célèbres scrapbooks du Baron de Cabrol dépeignant le milieu mondain et cosmopolite de la Café Society de l’entre-deux-guerres.

Photo: Andrew Montgomery

Que ce soit dans dans les suites, dans les salons spacieux aux canapés profonds, dans la salle à manger aux baies vitrées ouverte sur les jardins, chaque espace de vie vibre d’élégance et de délicatesse. Et de tranquillité. La beauté et l’harmonie des intérieurs s’épanouissent et s’expriment avec discrétion pour mieux glorifier la luxuriance des jardins ponctués de vastes bassins dont l’eau turquoise converse avec le vert émeraude des frondaisons caressées par la brise venue du large.

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.