Séisme d’Al Haouz: cap sur la reconstruction (épisode 3)

Comment redonner vie à ces centaines de hameaux accrochés aux flancs de montagnes, et réussir à préserver l'essence même des vies qui s'y organisaient autour d'un bâti vernaculaire ? Meriem Ghandi, Architecte DPLG nous livre son point de vue.

Meriam Ghandi, Architecte DPLG

M. D. M. : Quelles sont, selon vous les conditions nécessaires pour restructurer les douars et villages partiellement ou entièrement disparus sous les décombres ?

Meriam Ghandi : Il faudrait avant tout, une vraie rencontre entre les habitants et les architectes. Au-delà de la compétence architecturale et technique qui sont indiscutables, il est nécessaire d’être muni d’un engagement patriote sincère, de dévotion et d’empathie.
L’idée étant de répondre au besoin d’une population marocaine à forte identité, attachée à ses terres et traumatisée par le séisme. Se passionner, s’émouvoir, et donner à voir la richesse culturelle des habitants, qui représentent un patrimoine immatériel. Des actions de programmations sont à prévoir.

Sur le court terme, nous pourrions déployer une urbanisation de transition sous quinze jours à un mois maximum. Il s’agirait d’une structure urbaine, peut-être en préfabriqué, nécessaire pour sécuriser les victimes, les mettre à l’abri pour les six ou sept prochains mois, avant d’entamer la mise en œuvre d’une phase plus pérenne.

L’architecture devra intégrer l’ensemble des compositions de la vie quotidienne des habitants afin qu’ils puissent commencer à gagner leur indépendance. La dépendance des dons étant douloureuse pour eux et non illimitée. Idéalement, il faudrait faire rapidement le test sur deux villages pilotes, pour en tirer les leçons et répliquer l’exemple facilement.

Planifier en impliquant les habitants et penser le moyen et long terme. Garder l’humain au cœur de la problématique est nécessaire. Lors de la reconstruction, il faudra profiter des différents savoirs et créer une source de revenus pour les habitants. La reconstruction doit bénéficier en premier lieu aux habitants et être un des leviers économiques des douars. Malheureusement, le danger que représente l’emplacement même de certains villages imposera une réorganisation et un déménagement des villageois. Plusieurs cas de figure seront à prendre en considération pour répondre au mieux à leurs besoins. En somme, à mon sens, la reconstruction devra respecter les aspects de la culture constructive et de l’esthétique locale. Il faudra qu’elle aille de pair avec une analyse précise des sites de reconstruction. Enfin, concernant le patrimoine, il faudra reconnaître et recenser le patrimoine perdu de bâtiments clefs, pour les reconstruire à l’identique à travers des photos ou des vidéos, cela aidera aussi à préserver et maintenir les savoirs existants, offrira du travail aux habitants et créera un écosystème pendant la construction et un autre au moment de l’exploitation. L’aspect immatériel du patrimoine peut aussi guérir les blessures. C’est un point à mettre en valeur dans ce cas, car cela relève de la prouesse humaine de se rappeler de cette crise et du fait qu’on s’en est relevé.

M. D. M. : Quels rôles pour les femmes dans la reconstruction ?

M. G. : La femme du village est forte, patiente et intelligente. Lors de notre premier déplacement entre amis architectes dans un village sinistré, nous avons compris que la femme peut aider à l’organisation générale des différentes entreprises dans le village. Elle pourra aussi participer à travers son savoir-faire artisanal, à la vente des produits qu’elle fabrique et donc à la dynamisation économique du douar. Il faudra donc rapidement créer une fourmilière de coopératives pour sortir la tête de l’eau. Nous architectes femmes, avons quant à nous une mission à accomplir avec loyauté, qui est celle de l’écoute des femmes, de leurs envies et désirs.

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.