Le brodeur de lettres

Dans une rétrospective à l'Institut du monde arabe, l'artiste a dévoilé cinquante ans d'une œuvre où les lettres se libèrent des conventions calligraphiques.

Mehdi Qotbi devant une de ses toiles. 

Face aux toiles de Mehdi Qotbi, l’œil danse. Les lettres s’enlacent, se métamorphosent en figures, en paysages, en musique. L’artiste, né à Rabat en 1951, a inventé son propre alphabet où les signes se libèrent de leur sens pour ne garder que leur essence graphique. Dominique Bozo, l’ancien directeur du Centre Pompidou, y voyait une œuvre à plusieurs lectures : minimaliste dans le détail, abstraite dans la distance, moderne dans son élan tout en portant l’héritage d’une culture.

Mehdi Qotbi, Foisonnements. 2020. Acrylique sur toile au pinceau.
120 x 120 cm. Collection particulière.

Issu d’un milieu très modeste, il connaît dans sa jeunesse la précarité et le froid. « J’ai l’impression d’être né complètement nu« , confie-t-il, « et Dieu a fait en sorte de m’habiller petit à petit pour connaître la valeur de chaque chose. » En septembre 1969, une nouvelle page s’ouvre lorsqu’il part pour les Beaux-Arts de Toulouse. Ce sera, dit-il, « une renaissance« .
À Toulouse puis à Paris, Mehdi Qotbi découvre la musique classique et les grands maîtres de la peinture. Les Nymphéas de Monet, les œuvres de Delacroix, les travaux de Paul Klee nourrissent son imaginaire. En 1972, il devient le plus jeune diplômé des Beaux-Arts de France. Son professeur Daniel Schintone l’encourage alors à développer un langage personnel : ce sera cette réinvention de l’écriture arabe, libérée des codes traditionnels.

Mehdi Qotbi, Transe III. 2018. Acrylique sur toile au pinceau. 100 x 80 cm.
Collection particulière

La lumière joue un rôle essentiel dans ce processus créatif. Chaque ville de son parcours lui en a offert une différente : la chaleur de Toulouse, l’éclat particulier de Paris. « Je me suis nourri de leur lumière« , dit-il aussi en évoquant les poètes rencontrés au fil des ans : Senghor, Césaire, Aragon, Octavio Paz.
Depuis 2011, Mehdi Qotbi préside la Fondation Nationale des Musées du Maroc, où il applique le même principe qui guide son art : l’alliance de la passion et de la rigueur. Sous son impulsion, les projets se multiplient, du musée des arts de l’Islam à Fès au musée d’histoire de Casablanca. Un demi-siècle après avoir traversé la Méditerranée, il continue de tisser des liens entre ces rives, avec la même exigence et la même passion qu’à ses débuts.

Œuvres de Mehdi Qotbi exposées à l’IMA jusqu’au 5 janvier 2025

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