Yamou : le peintre du vivant

Peintre du végétal, Yamou explore dans ses toiles le vivant sous toutes ses formes. Partons à la découverte d’un univers enchanteur où la couleur est reine.

S’il fallait un mot pour présenter le travail du peintre Yamou, ce serait le vivant. Avant d’embrasser une carrière artistique, Abderrahim Yamou dit Yamou, a d’ailleurs suivi un temps des études de biologie qu’il a très vite délaissées pour étudier la sociologie, puis l’histoire de l’art. Sa carrière commence en France où la sculpture l’intéresse au plus haut chef. L’intérêt qui est le sien pour le végétal n’est d’ailleurs pas sans lien avec la pratique de cet art : « La peinture que je fais depuis 1997 tourne autour du végétal, nous explique-t-il. L’idée m’est d’abord venue d’un projet de sculpture où je faisais pousser des plantes vivantes dans des sculptures en bois. » Ses projets s’inspirent alors des statuettes africaines appelées N’Kondé que l’on trouve au bas Congo. Ces objets rituels formés de clous représentent « un pont entre le monde des vivants et celui des ancêtres », précise Yamou, ajoutant qu’elles sont aussi l’incarnation même de la vie « qui englobe la mort ». Les dés sont alors lancés : le peintre s’intéressera désormais exclusivement à la création du vivant.

« Je n’oublie pas que je suis peintre, affirme Yamou. Je ne suis ni botaniste, ni paysagiste, ni scientifique ». Les différents processus de la création tels que la germination, la pollinisation, la fécondation ou l’hybridation contribuent à forger un vocabulaire plastique qui lui est propre et qui intègre, depuis une dizaine d’années, des motifs microbiologiques ou moléculaires. Sans doute reconnaît-on d’emblée un tableau de Yamou à la présence de ces graines, de ces fleurs ou plantes et plus particulièrement de l’Hélexine, plante très répandue dans le bassin méditerranéen. Sa feuille légèrement recouverte de poils la distingue d’un premier coup d’œil. « C’est une plante que j’utilisais beaucoup dans mes sculptures quand je vivais à Paris, nous confie l’artiste. Je cherchais alors une plante ne donnant pas de fleurs et pouvant pousser dans un endroit ombragé. » Pour autant, les toiles de Yamou ne s’apparentent jamais à des paysages au sens propre du terme, tant l’artiste déstabilise notre regard en jouant de plusieurs variations d’échelle entre les motifs représentés. « Ces dernières années, reconnaît l’artiste, je m’intéresse davantage aux cellules ou aux atomes et notamment à la molécule de chlorophylle. Quel est son dessin géométrique ? Quels sont les éléments scientifiques qui la représentent ? Voilà les questions que je me pose. »

Un temps, la figure humaine fit une apparition furtive dans le travail du peintre, sous les traits d’Adam et Ève ou de mains de jardiniers. Là encore, la nature reste la préoccupation principale de l’artiste qui n’est pas loin de l’assimiler à un paradis perdu. Mais il reconnaît volontiers que cette présence de corps étrangers est l’exception qui confirme la règle : « Je n’arrive pas à trouver la porte d’entrée pour peindre des figures, nous explique-t-il humblement. Je n’arrive pas à leur trouver une place dans ce qui me préoccupe. » Aujourd’hui, tout aussi soucieux du monde qui l’environne, le peintre qui vit depuis 2005 à Tahannaout focalise son attention sur la cochenille, « cette petite bête qui attaque les figues de Barbarie, au Maroc ». La nature garde cette ambivalence qui fascine tant Yamou puisque la cochenille détruit à la fois les plantes mais produit aussi le rouge carmin. « C’est une nouvelle porte d’entrée, précise l’artiste, pour parler de la vie et de la mort qui cohabitent dans un même espace ».

Là réside d’ailleurs le caractère hybride des toiles de Yamou, peintes en grande majorité à l’huile dans un atelier qu’il aime parfois comparer à un laboratoire. Il reconnaît volontiers avoir une pratique classique de son art, en utilisant un chevalet et « une toile tirée sur un châssis ». Dans son atelier, « ça sent la térébenthine et l’huile de lin », ajoute-t-il goguenard. Yamou n’hésite pas aussi à parler de « collage » pour caractériser son travail. « C’est comme si je prenais plusieurs façons de représenter et que je les combinais ensemble ». Ses œuvres peuvent ainsi souvent se lire selon deux axes distincts. Le premier auquel s’attelle le peintre consiste à représenter, en coulant différentes couleurs sur un châssis de bois, des fonds aériens ou aquatiques où les couleurs donnent l’impression de s’interpénétrer les unes avec les autres. Il parle à ce propos d’une « succession de plans qui seraient comme des calques pour créer une profondeur de champ ». Puis, l’artiste applique sur ces fonds, le plus souvent à l’aquarelle ou au brou de noix, ses motifs végétaux ou moléculaires qui forment souvent des enchevêtrements ou des réseaux nous rappelant la complexité même du vivant. Il s’agit, selon ses mots, « de donner un peu plus de mystère au mystère même de la création ». Mais, conclut l’artiste, « j’ai avant tout un regard poétique sur la vie ».

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.