Passerelle entre art et histoire

Le fort Rottembourg, autrefois bastion de pouvoir et de défense, est désormais un espace dédié à l'art et à la culture, symbolisant la transformation et la continuité de l'histoire à Rabat

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Entre l’effervescence du quartier de l’Océan et le bruit des vagues se brisant sur les rochers, se dresse majestueusement le fort de Rottembourg. Ses murs imposants et solides, baignés de pierres aux nuances de beige, captivent le regard et se détachent du bleu profond de l’Atlantique. Trônant au-dessus des murailles, les tours de guet ornées de créneaux, ajoutent de la grandeur et du caractère.

Le fort tire son nom de son ingénieur allemand Walter Rothenburg. Il fût renommé en 1912 « Fort Hervé » du nom d’un capitaine français décédé lors d’un crash. Il porte aujourd’hui aussi le nom de Borj Lakbir.

Une verticalité qui accentue l’aspect imposant du monument. En se rapprochant, la dureté de la structure militaire s’efface et l’élégance des détails architecturaux apparait. Les arches, formées de claveaux carrés aux lignes nettes et précises, décorent chaque fenêtre et chaque porte.

Ce monument fut décrit en 1906, dans le Petit Journal Militaire, Maritime et Colonial, comme une sorte de coupole bétonnée qu’entourent de profonds fossés aux talus soigneusement maçonnés.

Construit au 19ème siècle sous le règne du sultan Moulay Hassan 1er, le fort avait pour mission de protéger la ville contre les invasions maritimes et de renforcer les défenses côtières de l’empire chérifien. À cette époque, le royaume fait face à des pressions coloniales croissantes de la part des puissances européennes, notamment la France et l’Espagne.

À environ deux kilomètres de la Kasbah des Oudayas, le fort est devenu une pièce maîtresse du patrimoine culturel, attirant les amateurs d’histoire et d’architecture du monde entier.

L’origine du projet remonte à un cadeau plutôt insolite. Deux canons colossaux de 30 tonnes offerts par la firme allemande Krupp, spécialisée dans l’armement lourd. Installation d’une grue géante, création d’un tronçon temporaire de chemin de fer et renforcement en béton armé, un chantier hors du commun est créé pour installer ces pièces d’artillerie.

L’inauguration du Musée National de la Photographie s’inscrit dans la stratégie visant à enrichir la cartographie des musées du royaume

Bien que construit pour une utilisation militaire, il n’aura finalement servi que de dépôt de munitions.
Après plusieurs décennies de transformations, d’abandons puis de restauration, en 2020, le fort Rottembourg entame un nouveau chapitre en devenant le Musée National de la Photographie. Lorsque l’architecture brute militaire rencontre la créativité, une fusion harmonieuse de l’histoire et de l’art contemporain se crée.

Les coupoles cuirassées fournissaient une solide protection aux canons et aux artilleurs. Grâce à leur conception solide et aux matériaux durables utilisés, elles ont résisté au passage du temps.

En franchissant les portes du musée, la frénésie extérieure s’essouffle, laissant place à une atmosphère à la fois contemplative et inspirante. Le contraste des pierres et briques épaisses, des voûtes et des alcôves avec la modernité des photographies exposées est saisissant. Chaque salle offre une nouvelle perspective, une nouvelle émotion, renforcée par l’ambiance austère mais enveloppante du lieu.

Les œuvres prennent part à l’espace public pour faire du fort un lieu de rencontres et d’échanges. L’objectif est de sensibiliser à l’art et le rendre accessible aux passionnés et aux curieux.

Les visiteurs se déplacent dans un silence respectueux, absorbés par les images aux mille histoires. Des instants figés sur papier racontent des scènes de vie quotidienne à travers la jeunesse, illustrent des portraits poignants ou interrogent sur les diversités sociales et les cultures locales. Les œuvres imprégnées de sens et de profondeur, transforment la visite en une expérience profondément immersive et introspective.Le fort Rottembourg mué en musée, invite à un voyage à travers les âges. Ses murs centenaires murmurent les récits de défense d’autrefois, tandis que les photographies capturent des instants figés d’aujourd’hui. Plus qu’une simple exploration de l’art photographique, cette transformation offre une immersion dans le patrimoine fascinant de Rabat.

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Un valet en bronze dessiné par Isabelle Stanislas et fabriqué par les Ateliers Bataillard, une ferronnerie d’art centenaire. Le long du mur, une série de photos de voyage de son ami Jérôme Petit.